Bourzey

Syrie | Principauté d'Antioche

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Toponymes connus

  • Bourzey
  • Borzeih
  • Rochefort
  • Lysias Latin
  • Qalaat Mirza - Qalʿat Mirza / قلعة مرزة Arabic
  • Barzuya - Barzūīā / برزويا Arabic

Description

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Histoire

Le château de Bourzey, établi dans les contreforts du Jebel Ansarieh à quelques huit kilomètres au sud de Sermanyié, compte parmi les sites fortifiés préexistants à l’arrivée des croisés et que ces derniers réinvestirent.

Dominant idéalement la fertile vallée du Ghâb , Bourzey – aujourd’hui Qalaa’t Mirza – défendait l’un des cols permettant de rejoindre la plaine littorale. Outre ce rôle de verrou, il constituait un poste d’observation naturel sur le nord de la plaine de l’Oronte, contrôlant particulièrement les routes reliant Damas à Sheïzar et Alep (le sud de la plaine était quant à lui constitué par un lac alimenté par l’Oronte, autrefois réputé pour ses anguilles).

Bourzey apparaît pour la première fois dans l’histoire sous le nom de Lysias , lors de sa conquête par Pompée sur un résistant juif appelé Silas.  Ce n’est que vers 947-949 que le site reparut, alors conquis par les Hamdânides sur les Byzantins. L’empereur Jean Tzimiscès le reprit par surprise en 975. Il resta ensuite aux mains des Byzantins jusqu’en 1089, date à laquelle le gouverneur seljûkide d’Alep le fit raser.

Sous la période d’occupation franque, bien peu d’échos ne nous en sont parvenus. Les chroniques ne mentionnent la forteresse – peut être alors appelée Rochefort , bien que cela n’ait pas été démontré – qu’à l’occasion de son siège par Saladin en 1188.

Il semble que la citadelle appartenait alors à une famille de la noblesse antiochéenne, apparemment parente de la maison d’Antioche, puisque les sources indiquent que la châtelaine de Bourzey n’était autre que la sœur de Sybille, la licencieuse troisième épouse du Prince d’Antioche Bohémond III, dit le Bègue .

Saladin se présenta devant Bourzeÿ le 20 août 1188, après avoir réduit Saône, Bakas Shugr et le fort de Sermanyié. Il prit place sur le côté ouest du château, après l’avoir attentivement examiné des montagnes avoisinantes. Un duel d’artillerie se déroula ensuite, les musulmans tirant des projectiles de la plaine en contrebas, tandis que les assiégés répliquaient à l’aide d’un mangonneau installé sur l’une des tours du château.

Le siège prit une tout autre tournure quand Saladin finit par comprendre que les projectiles étaient, du fait de la dénivellation trop importante, sans effet sur les structures défensives et résolut de changer de stratégie en lançant des vagues d’assaut répétées et continues, destinées à épuiser les défenseurs, en l’infériorité numérique flagrante.

Le Sultan partagea alors ses troupes en trois corps, lesquels avaient pour mission de se relayer jour et nuit, de façon à ne laisser aucun repos aux assiégés. Après trois jours de combats intenses et ininterrompus, les Francs, acculés, se replièrent dans le réduit du château, emmenant avec eux des prisonniers musulmans. Peu après, désemparés, ils se résignèrent et déposèrent les armes.

Le château fut livré à un pillage en règle, occasionnant un grand nombre de prisonniers, du au fait que Bourzey enfermait un village en son sein. La châtelaine et sa famille – soit dix sept personnes – furent conduites au Sultan qui les renvoya au seigneur d’Antioche, maintenant ainsi les liens d’amitiés qu’il semblait entretenir avec son épouse Sybille.

Description

La citadelle, qui couronne un mamelon bordé de gorges escarpées, figure parmi les plus inaccessibles du Proche Orient et mérite sa réputation d’imprenabilité, devenue proverbiale au Moyen Age – ainsi disait on « Fort comme Bourzey ».

En venant de la vallée du Ghâb , il est nécessaire de cheminer quelques minutes dans une forêt de pins sylvestres puis d’emprunter l’une des deux gorges pour atteindre le sommet de l’éperon. Les escarpements sont sévères sur les flancs nord, est et sud du château, si bien que le seul front d’attaque était le front ouest, par lequel Saladin devait d’ailleurs triompher.

C’est sur ce front, en contrebas, que se trouvent les ruines d’un village « fossilisé » – rappelant à maints égard celui de Montréal – dont les maisons sont aujourd’hui utilisées par les pasteurs locaux.

L’enceinte générale de la citadelle épouse les circonvolutions du plateau sommital, formant une sorte de polygone, dominé, au nord-ouest par une plate forme bordée d’abrupts semi naturels, laquelle constituait l’assiette du réduit de la forteresse.

Il est possible de distinguer outre le réduit, deux zones bien distinctes à l’intérieur de l’enceinte. La première qui jouxte directement le réduit consiste en un bourg castral et est délimitée par une enceinte intermédiaire, rejoignant la courtine générale au milieu du front sud. La seconde partie, située entre la courtine générale et l’enceinte interne, peut être assimilée à une grande basse cour.

Sur le front ouest, la courtine, composée sur ce coté de gros blocs grossiers, part du réduit puis oblique vers l’ouest, rejoignant une tour rectangulaire saillante. Celle-ci formait une « tour porte », comprenant deux d’accès en venant de l’extérieur : le premier, sur la face nord de la tour, consiste en une porte très basse surmontée d’un linteau monumental, engravé pour simuler des parements à bossages, lui même surmonté d’un arc de décharge. Cette porte fruste – répondant au concept franc avec entrée frontale – fut vraisemblablement comblée après la conquête de Saladin pour être remplacée par une seconde, qui se trouve sur le flanc oriental de la tour. Ladite porte, défilée, est également surmontée d’un linteau massif et d’un arc monumental, derrière lequel était ménagé un assommoir.

La courtine suit l’escarpement pour rejoindre une seconde tour d’importance dont la particularité est de contenir un couloir de circulation voûté en berceau brisé, dont le rôle était manifestement de faciliter l’accès au village castral en venant de la basse cour. Il semble que les campagnes de construction postérieures ôtèrent tout utilité à ce tunnel, par le remblaiement de la zone située en surplomb, entre le réduit et l’enceinte intermédiaire. La courtine mène ensuite à une tour largement ruinée puis une seconde où elle oblique ensuite vers l’est, marquant ainsi l’angle sud-ouest du château. La tour d’angle, de forme trapézoïdale, possédait deux archères sous niches à très faible ébrasement, l’une au sud, l’autre à l’ouest.

Sur le front sud du château, la courtine est largement ruinée – par endroits presque inex istante – alors que les tours, elles, sont restées debout à flanc de colline, laissant une vision émouvante au visiteur. A ce niveau, les séismes successifs ont causé d’importants dégâts et il n’est pas rare de trouver des blocs en contrebas, au fond du ravin. Les trois tours orphelines présentent des portes très basses, toutes surmontées de linteaux « en bâtière ».

Le tracé de l’enceinte marque ensuite un angle droit, pour rejoindre le front est, qui domine la vallée de l’Oronte. Il est à noter qu’à ce niveau l’appareillage de la courtine change littéralement, laissant place à des blocs calcaires réguliers et à bossage rustique. L’enceinte poursuit son cheminement pour atteindre une petite tour rectangulaire, comprenant à l’intérieur une petite abside semi-circulaire, ce qui laisserait à penser qu’il s’agissait primitivement d’une chapelle, englobée dans le reste de l’enceinte. Passé cette « tour chapelle », la courtine marque un crochet vers le nord pour atteindre une imposante tour, qui constitue la principale défense du front est.

Ladite tour, seul élément du château que l’on aperçoit depuis la plaine en contrebas, se distingue des autres tours de la citadelle en ce qu’elle comprend un imposant escalier adossé à sa face occidentale, menant directement à son niveau supérieur, formant terrasse. Il est vraisemblable que cette tour, de part sa position, devait avoir une fonction de surveillance ; la présence du monumental escalier peut être quant à elle interprétée comme une volonté des défenseurs de faciliter l’acheminement de projectiles destinés à alimenter les engins de tirs.

Le front nord du château, certainement le moins bien fortifié, domine les escarpements les plus abrupts du site. Il n’est ponctué que par deux petites tourelles rectangulaires largement ruinées. A noter la présence d’une poterne dans l’une des tours, surplombant le ravin, dont le rôle était vraisemblablement de permettre l’entretien de la muraille en cet endroit.

L’enceinte interne, qui part de la tour au tunnel bouché, pour venir mourir au milieu du front sud, est établie sur de légers escarpements, dont la plupart résultent de l’exploitation des carrières qui servirent à sa construction.

Maçonnée en moyen et grand appareil à bossages rustiques, cette courtine était percée d’archères à haute niches et flanquée de deux tours. La première en venant du front ouest ne présente pas de particularité à relever si ce n’est la présence d’un ouvrage avancé très ruiné la prolongeant, dont la fonction reste à déterminer. La seconde tour, légèrement saillante, constituait manifestement la mosquée du site, demeurée inachevée.

Peu avant le raccordement de l’enceinte interne à l’enceinte générale, il est à signaler la présence d’un ouvrage défensif également inachevé, lequel était sans doute promis à devenir l’ouvrage majeur de l’enceinte interne, au niveau où celle-ci devait se rabattre vers le front nord. L’inachèvement de cet ouvrage marque l’abandon de la construction de l’enceinte intérieure et justifie la présence d’un raccord à cet endroit, reliant des deux enceintes, achevant ainsi d’isoler le village castral de la grande basse cour. Ce petit segment de muraille était percé d’une porte simple assurant la circulation entre les deux ensembles.

Au sud ouest du site, le réduit du château forme un trapèze dominant légèrement le reste de l’ensemble. Très largement ruiné sur les fronts est, sud et nord, il épouse le tracé de la muraille externe sur son front ouest, lequel commande les escarpements rocheux par lesquels devait s’effectuer l’entrée dans la forteresse.

Une première tour rectangulaire et fortement saillante présente deux archères latérales à niches couvertes en berceau brisé, ainsi qu’une archère frontale à ébrasement couvert d’une voussure plein cintre, postérieure. Une seconde tour, largement ruinée et constituant l’angle nord-ouest du réduit et de la forteresse, est établie sur un promontoire dominant le wadi au nord du château.

Ces deux tours semblent avoir été rajoutées au réduit, noyau historique de la citadelle lors de la construction de l’enceinte externe. Ce rajout fut accompagné d’un épaississement notoire des murs originels sur le flanc occidental du réduit.

On note à l’intérieur du réduit la présence de plusieurs bâtiments civils ruinés, ainsi que celle de deux citernes, dont l’une, bien conservée, aux dimensions impressionnantes.

D’autre citernes sont présentes ça et là dans le village castral et la basse cour, témoignant de l’importance de l’habitat civil sur le site.