Tripoli

Liban | Comté de Tripoli

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Toponymes connus

  • Tripoli
  • Qala'at Sanjil Arabic
  • Trablous - Ṭrāblus / طرابلس Arabic Contemp.
  • Mons Peregrinus Latin Med.
  • Triple Med.

Description

Français

Histoire

Après avoir emporté puis quitté Hosn el-Akrad, futur Crac de l’Hospital, les troupes franques de la première croisade, menées par Raymond de Saint Gilles, débouchèrent sur la plaine littorale du ‘Akkar pénétrant ainsi dans les terres des Banû ’Ammar, lesquelles formaient un petit état indépendant d’obédience chiite des plus prospères regroupé autour de la puissante cité de Tripoli. Dès cette intrusion, le gouverneur de la ville, qui n’avait cessé de louvoyer entre les Fâtimides d’Égypte – dont il s’était affranchi – et les Seljûkides de Damas, pensa agir de même avec les Francs en leur adressant un message et des présents afin de conclure un accord de non agression.

Une chronique franque affirme que le souple gouverneur de Tripoli n’hésita pas à arborer sur les murs de sa capitale et les autres places de sa principauté les bannières de Raymond de Toulouse. De son côté, le comte envoya ses propres ambassadeurs à Tripoli, qui, devant l’extrême richesse de la ville, conçurent le projet de demander un tribut plus important. Dans cette optique, ils conseillèrent à Raymond d’assiéger la puissante cité voisine d’Archas. Pendant ce temps, Godefroi de Bouillon et les Lotharingiens mirent le siège devant Gibel, qui dépendait également des Banû ’Ammar.

Voyant le siège autour d’Archas se faire de plus en plus rigoureux, l’émir de Tripoli fit courir le bruit que le Calife de Bagdad en personne arrivait au secours de la place, espérant par là obtenir le départ des troupes provençales. Bien au contraire, à cette nouvelle, les troupes franques se regroupèrent et, comprenant plus tard qu’elles avaient été jouées, commencèrent à razzier les environs immédiats de Tripoli. Une rencontre eut même lieu devant la ville, au cours de laquelle les Tripolitains, riches bourgeois peu rodés aux arts de la guerre, se firent tailler en pièces.

Ce revers ramena Ibn ‘Ammar à de meilleurs sentiments. A cet effet, il livra aux croisés plus de trois cents pèlerins qu’il détenait en captivité, ainsi qu’un abondant ravitaillement en chevaux, ânes, et denrées de toutes sortes. Il s’engagea en outre à leur fournir des guides pour les conduire par les défilés du littoral libanais jusqu’à Jérusalem. Moyennant ces conditions, les croisés s’engagèrent à épargner ses possessions et ne demeurèrent que trois jours devant la Triple qu’ils quittèrent le 16 mai 1099.

Après la conquête de Jérusalem, l’émir de Tripoli chercha à maintenir la bienveillance des Francs, en ravitaillant dès que nécessaire les troupes franques transitant par sa principauté. Ainsi en fut-il lorsque Baudouin d’Edesse et Bohémond de Tarente effectuèrent leur dévotion au Saint Sépulcre ou encore lorsque le même Baudouin redescendit d’Edesse en 1101, cette fois-ci pour se faire couronner roi de Jérusalem.

En 1102, revenant du désastre de la croisade lombarde en Anatolie, Raymond de Toulouse se retrouva à pied d’oeuvre, accompagné de ses compagnons d’infortune, qu’il convainquit de mettre le siège devant Tortosa. Il s’en rendit rapidement maître grâce au concours notable d’une flotte génoise de passage. Avec sa poignée de chevaliers – ils n’étaient guère plus que 300 à 400 hommes selon les chroniques – Raymond mena dès lors une véritable guérilla dans toute la région, n’hésitant pas à pousser ses attaques jusque sous les murs de la Triple. Sa témérité faillit lui coûter cher lorsque l’émir de Homs et le malik de Damas dépêchèrent quelques corps de troupes aux Banû ’Ammar, afin de livrer bataille aux Provencaux sous les murailles de Tripoli. Lorsque la rencontre eux lieu, ces derniers tinrent bon, et, malgré un rapport de force par trop inégal, réussirent à mettre en fuite les coalisés.

Fort de cette victoire, Raymond s’installa à demeure devant Tripoli pour en faire le siège. Toutefois, la place était si forte qu’il renonça bien vite à l’assiéger avec ses maigres troupes, se contentant seulement d’en contrôler les accès terrestres. Il entreprit pour cela la construction d’un fort surplombant la plaine et la ville, qu’il nomma Mont Pèlerin (Mons Pelegrinus). Cette position avait l’intérêt de contrôler directement la route liant la corniche libanaise et la plaine du ‘Akkar, laquelle passait en contrebas de la citadelle, là où le Nahr Abou Ali se resserrait. L’empereur byzantin Alexis Comnène, avec lequel Raymond était resté en très bons termes, l’aida à élever cette forteresse, en lui affrétant de Chypres les matériaux nécessaires à sa réalisation.

La ville de Tripoli fut ainsi l’objet d’un blocus plus ou moins contraignant – il lui restait encore la maîtrise de la mer -, ses habitants ne pouvant plus sortir sans risques entretenir leur vergers et jardins. En 1104, Ibn ‘Ammar effectua une sortie nocturne qui surprit l’armée de Saint Gilles et lui infligea d’importantes pertes. Une chronique arabe raconte que le vieux croisé fut grièvement blessé au cours de cette sortie durant laquelle le faubourg qui s’était développé en contrebas du château fut incendié.

Le 28 février 1105, Raymond de Saint Gilles mourut en son château, peu de temps après avoir passé un accord avec Ibn ‘Ammar, aux termes duquel il pouvait occuper les abords de la ville sans toutefois lui couper les vivres, ni empêcher les voyageurs d’y entrer.

L’oeuvre de Raymond de Saint Gilles fut continuée par son cousin Guillaume Jourdain, comte de Cerdagne, qui recueillit son héritage libanais et continua le blocus de Tripoli, lequel commençait à porter ses fruits. En témoigne la mention dans les chroniques latines de défections de certains notables de la ville qui préférèrent passer sous la protection franque.

Au printemps de l’année 1108, Ibn ‘Ammar résolut d’aller demander l’aide des chefs du monde musulman, et notamment du Calife à Bagdad. A son retour, après maintes désillusions, il eut la mauvaise surprise de se trouver dépossédé de sa principauté, les habitants de Tripoli, en mal de protecteurs, s’étant livrés aux Fâtimides de Tyr et d’Ascalon.

Au début de l’année 1109, le jeune Bertrand, fils aîné de Raymond de Toulouse, arriva en Orient à la tète d’une importante armée réclamer son héritage ultramarin. Il trouva face à lui Guillaume Jourdain, qui avait depuis trois ans défendu l’oeuvre de Raymond et étendu les possessions provençales dans la région. Les deux armées en seraient venues aux mains si le roi Baudouin Ier de Jérusalem, d’heureuse mémoire, n’était venu en personne devant Tripoli arbitrer ce différend familial. Il fut décidé que Guillaume conserverait Archas qu’il avait conquis ainsi que Tortose, tandis qu’à Bertrand reviendrait le Mont Pèlerin et la ville de Triple, dès que cette dernière aurait capitulé. La concorde une fois rétablie, on songea à profiter de cette concentration unique – Tancrède et Joscelin de Courtenay étaient respectivement descendus sur convocation du roi de leurs principautés d’Antioche et d’Edesse – des forces franques pour en finir avec la résistance de Tripoli. Concentration d’autant plus exceptionnelle que Bertrand avait, en partant d’Europe, convaincu les Génois de venir l’appuyer dans le siège de Tripoli, ces derniers ayant envoyé une flotte de soixante dix navires, laquelle bloquait étroitement le port et la mer.

Les Tripolitains, pour la première fois en six années de siège littéralement coupés du monde, perdirent espoir et proposèrent de se rendre – la flotte promise par les Fatîmides étant retardée au large de l’Égypte par des vents contraires – au roi Baudouin en échange de la possibilité de pouvoir quitter la ville librement ou d’y rester en conservant leurs biens moyennant un tribut annuel. La capitulation de la ville eut lieu le 12 juillet 1109 et se déroula bien jusqu’à ce que la piétaille génoise ne parvienne à s’introduire subrepticement dans la ville, pillant et massacrant tout ce qu’elle put, à l’exception des quartiers où se trouvait le roi. Ce fut au cours de ce malheureux pillage que la célèbre bibliothèque de la ville, qui passait pour être l’une des plus fournies du Monde Levantin (près de 100000 ouvrages) fut livrée aux flammes.

Le roi Baudouin, conformément à son arbitrage, remit la ville à Bertrand qui devint le premier comte de Tripoli. Quant aux Génois, dont l’escadre avait si activement participé au siège, il leur fut concédé en guise de récompense la ville de Gibelet, récemment conquise par Bertrand.

La ville fut le théâtre en 1152 de l’assassinat par les Ismaéliens du comte Raymond II de Tripoli, aux portes de la cité, alors qu’il revenait d’escorter jusqu’à la banlieue de la ville sa femme qui partait en pèlerinage à Jérusalem.

Jusqu’à son siège par les Mamelouks, la ville prospéra sans être nullement inquiétée, y compris suite à la débâcle de Hattin.

Toutefois, en 1206-1207, les Francs du Crac de l’Hospital menèrent un rezzou jusque dans la banlieue de la Chamelle, ce qui provoqua d’importantes représailles de la part du sultan Malik el-Adil. Après avoir pris le fort d’Anaz, non loin du Crac, ce dernier se dirigea directement vers la Triple qu’il bombarda de ses balistes alors que ses troupes dévastaient le pays. Cette démonstration ne dura que douze jours, et, à la fin de juillet 1207, le sultan s’en retourna à La Chamelle.

En 1266, le terrible sultan Baîbars s’empara des châteaux de La Colée, d’Albe et d’Arcas, trois châteaux qui défendaient Tripoli contre une attaque venant du nord ou du nord est dont la chute était un préalable indispensable à celle de Triple. Vers le 1er mai 1268, Baîbars apparu devant le cité, saccageant sa banlieue, s’emparant du Mont Pèlerin et détruisant ses vergers avant de se rabattre sur Antioche.

La mort sans descendance du dernier comte de Tripoli, Bohémond VII, et l’incapacité de sa mère à désigner un bayle faisant l’unanimité de la noblesse tripolitaine, conduisirent les chevaliers de Tripoli et les bourgeois de la ville à proclamer la déchéance de la dynastie et se constituer en commune autonome, suivant l’exemple des cités italiennes. Le premier « maire » de la ville fut Barthelemy de Gibelet, descendant de la famille génoise des Embriaci. Ce dernier chercha d’ailleurs à gagner la protection des Génois, qui s’empressèrent d’envoyer une flotte de cinq galères emmenée par l’amiral Benedetto Zaccaria. En échange de ce protectorat, les Génois se virent concéder plusieurs rues commerciales. Quelques temps après, trahissant Barthelemy de Gibelet, ces derniers proposèrent à Lucie d’Antioche – soeur de feu Bohémond VII et légitime héritière du Comté – de la reconnaître comtesse de Tripoli en échange de la reconnaissance de leurs privilèges et des libertés des communiers de Tripoli. Mais il était trop tard, les Mamelouks attaquaient…

En effet, Barthélemy de Gibelet, sans doute appuyé par les résidents vénitiens et pisans d’Acre qui voyaient le protectorat accordé aux Génois d’un très mauvais œil, était entré en rapport avec le sultan Qalaoun, insistant sur la menace de la présence génoise représentait pour la maîtrise de la mer d’Egypte et le commerce d’Alexandrie.

Qalaoun n’avait guère besoin de pareils arguments économiques tant sa rancune était tenace à l’encontre de la maison d’Antioche-Tripoli – dont l’avant dernier représentant, Bohémond VI avait chevauché aux côté des Mongols lorsque ces derniers prirent Damas en 1260.

Après avoir rassemblé toutes ses forces d’Egypte, le Sultan entra en Syrie en février 1289 avec la ferme intention de prendre Tripoli. Malgré l’avertissement du Grand Maître du Temple Guillaume de Beaujeu, qui avait vent par ses espions de tout ce qui se tramait à la cour du Caire, les Tripolitains, tout à leurs querelles intestines, refusèrent de croire au péril mamelouk.

Lorsque Qalaoun parut enfin sous les murs de la ville, fort d’une armée de 40000 cavaliers et 100000 fantassins d’après les chroniques, l’union se fit parmi la population. Des renforts parvinrent de Chypre, d’Acre ainsi que des Ordre Templier et Hospitalier. La défense maritime était assurée par les Génois, épaulés par deux galères vénitiennes.

Près de 19 catapultes et 1500 soldats spécialisés dans la sape furent mis à contribution pendant 34 jours pour mener le siège.

Il semble que ce fut la défection des Vénitiens, suivie de celle des Génois, qui précipita la chute de la place. Qalaoun ordonna l’assaut général et emporta la ville de vive force le 26 avril 1289. S’ensuivit un massacre atroce, peu d’habitants parvenant à s’embarquer pour Chypre. Une partie de la population franque, qui avait pu se réfugier sur une île non loin de la ville où se trouvait l’église Saint Thomas – église où l’on célébrait les mariages des comtes de Tripoli – y fut systématiquement massacrée. La vieille ville fut rasée de fond en comble par l’impitoyable sultan, qui y voyait un débarcadère trop accessible pour les Francs de Chypre ; elle fut reconstruite aux pieds du Mont Pélerin.

En 1299, le roi de Chypre envoya une armée de 400 chevaliers et Turcoples, avec 60 archers et arbalétriers, qui débarquèrent au Boutron et entreprirent de fortifier Néphin, en attendant le renforts des chrétiens de la Montagne pour entreprendre le siège de Tripoli. Cette entreprise échoua et marqua la fin des prétentions franques sur Tripoli.